
Le 15 mai 2025 s’est tenue la 3ème édition du Forum « Climat et territoires » sur la thématique de l’agriculture bretonne face au changement climatique, à Saint-Brieuc, en partenariat avec l’Université Rennes 2 et Saint-Brieuc Armor Agglomération. L’agriculture est fortement ancrée dans l’histoire de la Bretagne ainsi que sur son territoire mais force est de constater que celle-ci est gravement impactée par le changement climatique. Ces enjeux environnementaux menacent le système alimentaire tel que nous le connaissons aujourd’hui, et appellent à la nécessité d’une transition agricole et alimentaire intégrant une stratégie d’adaptation et d’atténuation au changement climatique. Avec la participation de 300 personnes, tous horizons confondus, le forum a atteint son objectif : informer et favoriser le dialogue entre acteurs du territoire.
Une journée de rencontres et d’échanges entre acteurs du territoire
La journée a commencé par un discours introductif de Michaël Quernez, Vice-président Climat et mobilité de la Région Bretagne, suivi de Pascal Prido, Vice-président Agriculture et transition alimentaire de Saint-Brieuc Armor Agglomération, et enfin, Yohann Rech, Vice-président Transition socio-environnementale et aménagement des campus de l’Université Rennes 2. S’en est suivie une présentation du 3ème Bulletin annuel consacré à l’agriculture bretonne face au changement climatique, par le co-président du HCBC, Vincent Dubreuil, et Sabine Roussel, membre du HCBC.
La matinée s’est poursuivie avec deux tables rondes constituées d’un panel d’acteurs scientifiques, politiques et économiques. La première, animée par la géographe membre du HCBC Valérie Bonnardot, intitulée « Les productions agricoles bretonnes confrontées aux risques climatiques », a exploré les implications concrètes pour les producteurs du climat breton en évolution. Comment les territoires et filières sont-ils affectés par le changement climatique ? Quels leviers déployer ? Pour répondre à ces questions, la table-ronde a accueilli Sylvain Pellerin (directeur de recherche en ingénierie agronomique à INRAE) qui a rappelé les divers leviers d’atténuation et d’adaptation à mobiliser, avec un mot d’ordre : la diversification. Laurence Ligneau (chargée de mission climat-carbone à la Chambre d’agriculture de Bretagne) a détaillé les risques et difficultés auxquels les agriculteurs font face, mettant particulièrement en lumière la variabilité des conditions climatiques et l’incertitude croissante qui forcent les producteurs à repenser leurs stratégies pour stabiliser leurs revenus. Après les cultures fourragères, la table-ronde s’est penchée sur la filière porcine avec Nathalie Quiniou (docteure ingénieure en nutrition animale à l’Institut du porc) qui a exposé des pistes d’adaptation du bâti face à l’augmentation des températures pour palier à la fragilisation des conditions d’élevage. Enfin, Morgan Berthelot (artisane cidrière de Coat Albret) a témoigné des effets du changement climatique sur ses vergers. Cette dernière cherche à s’adapter notamment au décalage des calendriers en replantant un verger de 30 hectares en extensif, plus résilient et propice à la biodiversité végétale et animale.
Photo 1 et 2 : Table-ronde 1 animée par Valérie Bonnardot avec Sylvain Pellerin, Morgan Berthelot, Laurence Ligneau et Nathalie Quiniou (de gauche à droite)
La deuxième table-ronde, animée par l’écologue membre du HCBC Manuel Plantegenest et intitulée « Le contexte socio-économique de l’agriculture bretonne face au changement climatique », a interrogé la façon dont le contrat social et territorial entre la société et l’agriculture peut évoluer à l’aune de ces bouleversements environnementaux. Comment les partenaires du monde agricole, acteurs politiques et citoyens-consommateurs, peuvent-ils accompagner et faciliter la transition ? Pierre Dupraz (directeur de recherche en économie agricole et de l’environnement à INRAE) a débuté cette table-ronde en rappelant la nécessité de développer des outils de gestion du risque performants et ambitieux, pour faire face auxvariations des prix qui accompagnent le changement climatique. Simon Uzenat (conseiller régional de Bretagne) s’est concentré sur le rôle de la Région en termes d’accompagnement à la transition agricole en évoquant les différents dispositifs votés par les élus, comme le plan bio breton et le Schéma de Promotion des Achats Écologiquement et Socialement Responsables (SPASER). La parole a ensuite été donnée à Mathilde Le Boulch (responsable environnement à La Coopération Agricole Grand Ouest) qui a exposé l’importance de penser l’adaptation du secteur agricole tout au long de la chaîne de valeur en insistant sur la force du système coopératif. Pour clôturer, Clémence Nasr (chercheuse en alimentation durable à l’IDDRI) s’est penchée sur la place du consommateur dans la transition agricole et sa capacité à faire évoluer ses pratiques selon sa condition sociale. Il en est ressorti le rôle fondamental qu’ont à jouer les institutions publiques et privées dans le changement de l’environnement alimentaire, pour permettre une évolution des pratiques accessible à toutes les échelles.
Photo 3 : Table ronde 2 animée par Manuel Plantegenest avec Simon Uzenat, Pierre Dupraz, Clémence Nasr et Mathilde Le Boulch
Cette matinée riche en échanges et débats entre les intervenants et le public s’est clôturée sur un déjeuner végétarien et local, le tout dans une ambiance conviviale et ensoleillée.
Photo 4 : Déjeuner sur la pelouse du campus Mazier et exposition du RAIA sur l’agriculture insulaire.
Pour compléter la plénière de la matinée, l’après-midi s’est voulue interactive avec 8 ateliers proposés au choix. Une partie du public est allé à la découverte du quartier prioritaire Balzac en pleine transition avec une balade urbaine co-animée par Saint-Brieuc Armor Agglomération. Le jeu sérieux “SEGAE” a lui permis aux participants d’endosser le rôle d’un agriculteur laitier breton qui cherche à s’adapter au changement climatique. Certains ont eu la chance d’aller sur le terrain grâce à l’accueil chaleureux du GAEC Les prairies de la Noé, qui a présenté sa stratégie d’adaptation aux sécheresses. D’autres ont consacré leur après-midi à un atelier riche en échanges autour de la formation agricole, avec le jeu sérieux “Gaïa”. Le Réseau Agricole des Îles Atlantiques a brillamment mené une conférence interactive sur l’agriculture insulaire et les défis climatiques auxquels elle doit faire face en donnant la parole à des agriculteurs et agricultrices directement concernés. Deux fresques étaient également proposées : la Fresque des Nouveaux Récits, animée par le Réseau Cohérence, qui invitait à co-construire le récit d’une Bretagne ayant trouvé le chemin de la durabilité. La deuxième, la Fresque du Sol, amenait à comprendre la complexité des enjeux liés au sol en initiant un jeu de rôle. Enfin, une conférence interactive consacrée à la restitution des projets ClimatVeg et Fermadapt permettait d’approfondir des notions abordées lors de la première table-ronde du matin.
Photos 5 et 6 : Visite du GAEC Les Prairies de la Noé par l’éleveur Raphaël Jouanigot, et participant·es devant le jeu sérieux SEGAE
Cette journée riche et dense s’est conclue par la présentation inédite de l’édition 2025 des “Chiffres clés du climat en Bretagne” par l’Observatoire de l’Environnement en Bretagne.
Une conférence grand-public pour informer et débattre de l’agriculture bretonne de demain
La veille du forum, le HCBC a accueilli Sylvain Pellerin, directeur de recherche en ingénierie agronomique à l’INRAE pour animer une conférence-débat. S’appuyant sur le récent ouvrage, Agriculture et changement climatique, dont il a assuré en partie la coordination scientifique, Sylvain Pellerin a mis en lumière le contexte climatique plus critique que jamais, ainsi que son impact sur l’agriculture française. Il a ensuite pu montrer à voir au public présent les principaux leviers d’atténuation et d’adaptation à mobiliser par les pouvoirs publics et les producteurs pour maintenir une agriculture durable et résiliente. Cette conférence, qui se voulait accessible à un public large afin de sensibiliser les citoyens et citoyennes à des questions qui les touchent directement, a été suivi d’un temps d’échange riche en débats.
Publié le 03 juin 2024